Placer la main-d’oeuvre au centre des décisions pour contrer la pénurie

31 mai 2019

Comment les entreprises de la Montérégie pallient-elles la situation de la pénurie de main-d’oeuvre ? Jean Bédard, président et chef de la direction du Groupe Sportscene, Sylvain Garneau, président du Groupe Lacasse et Nellie Robin, présidente du Groupe Robin, ont répondu à ces questions en compagnie d’une trentaine d’autres entrepreneurs, intervenants économiques et élus municipaux au cours d’une rencontre organisée par Les Affaires en mars dernier, à Saint-Hyacinthe.

 

Le Groupe Sportscene, qui exploite une quarantaine de restos-bars La Cage – Brasserie sportive, emploie quelque 3 000 personnes. Il s’agit principalement de jeunes et le taux de roulement est élevé. «Il y a dix ans, on n’avait pas de département de ressources humaines. C’était sous ma direction et les questions de main-d’oeuvre étaient souvent le dernier sujet à l’ordre du jour de nos réunions de gestion», rappelle d’entrée de jeu M. Bédard. Les temps ont bien changé et l’entreprise de Boucherville mise aujourd’hui sur des ressources spécialisées en recrutement d’employés. D’autant que «nous sommes une entreprise de service qui travaille maintenant dans un monde où les consommateurs veulent vivre une expérience. Il faut donc investir davantage dans le recrutement et la rétention des employés qui sont en lien direct avec les consommateurs», précise-t-il.

 

Sonder le terrain

 

Nellie Robin fait écho à ces propos. Son entreprise est spécialisée dans la construction et la gestion de projets immobiliers, notamment des hôtels et des résidences avec services pour retraités. «Quand je recrute, le plus important, c’est de trouver des gens passionnés qui montrent de l’engagement et de la motivation à venir travailler chez nous», souligne-t-elle.

 

Le Groupe Robin s’est aussi doté tout récemment d’un département de ressources humaines. L’entreprise en a profité du même coup pour sonder les employés afin, justement, de mesurer leur motivation, mais aussi leurs critiques. «Nous avons pris note des principaux irritants avec l’objectif de les éliminer». Trois ans plus tard, un nouveau sondage indique une nette amélioration et l’entreprise entend maintenant interroger ses employés chaque année.

 

Le Groupe Sportscene réalise aussi des sondages auprès de ses gestionnaires et de ses employés. «Auparavant, les bonus offerts aux gestionnaires étaient uniquement en fonction des ventes et d’autres mesures financières. Maintenant, on tient aussi compte de la satisfaction de la clientèle et de la motivation des employés», indique M. Bédard.

 

Le recrutement et la rétention des employés sont devenus essentiels à la croissance des entreprises. Le problème de main-d’oeuvre a d’ailleurs entraîné un manque à gagner pour le Groupe Lacasse, un fabricant de meubles de Saint-Pie qui emploie près de 700 personnes en Amérique du Nord.

 

Pour remédier à la situation, «nous avons fait une acquisition aux États-Unis, à la fin de 2018, ce qui nous permet d’augmenter notre capacité manufacturière», dit M. Garneau, en ajoutant que l’entreprise a aussi investi dans l’automatisation de ses usines. «On a reçu l’an dernier l’équivalent de 50 conteneurs d’équipement.»

 

Comme bien d’autres entreprises, le Groupe Lacasse s’est aussi tourné vers la main-d’oeuvre étrangère. Parmi les 125 personnes que l’entreprise a réussi à embaucher l’an dernier, près de 40 % sont des immigrants. «Le gouvernement doit favoriser l’arrivée des immigrants et leur implantation en région», fait valoir M. Garneau.

 

Pistes de solution

 

L’entreprise, qui emploie un bassin important de travailleurs prêts à prendre leur retraite, souhaite aussi les garder plus longtemps à l’emploi. «Nous leur offrons la possibilité de travailler à temps partiel et une vingtaine ont accepté de le faire.»

 

Selon Normand Therrien, associé fondateur, président et chef de la direction du cabinet d’avocat Therrien Couture, «il est important de prendre les mesures nécessaires pour favoriser le maintien en poste des personnes plus âgées».

 

Les entreprises doivent aussi revoir leur politique de rémunération. «On ne peut plus se permettre de perdre des employés qui quitteraient pour un meilleur salaire», constate Mme Robin. Le Groupe Robin a notamment implanté un programme de remerciement avec boni aux employés qui restent plus longtemps.

 

Le salaire n’est pas la seule stratégie d’intéressement à mettre en place. La PME Viridis Environnement cotise à un REER pour les employés. Elle contribue aussi financièrement à un programme qui «permet aux employés de parler rapidement au téléphone avec un médecin», ajoute le président Renaud Lapierre.

 

Le fabricant d’acier d’armature AGF, qui exploite des établissements dans une dizaine de pays, offre à ses employés de vivre d’autres expériences de travail. «On vient d’ouvrir un bureau en Inde et nous avons offert à un employé d’y aller pour former la nouvelle équipe», explique Pierre Lefebvre, vice-président des services corporatifs.

 

Les régions plus éloignées de Montréal doivent en profiter pour promouvoir leurs avantages, affirme pour sa part le maire de Sorel, Serge Péloquin. «Il faut s’adresser aux gens qui sont fatigués d’être pris dans des bouchons de circulation. Leur dire qu’ils peuvent être à 5-10 minutes de leur travail, de la garderie, ou voir avoir un meilleur accès à la propriété.»

 

Une chose est certaine : il faut arriver avec de nouvelles façons de recruter. «Il faut être plus créatif», souligne M. Bédard, dont l’entreprise a notamment alloué des ressources financières consacrées au «branding employeur». «On veut leur donner le signal que c’est agréable de travailler chez nous», affirme-t-il.

 

Le Groupe Sportscene a ainsi créé un site web accrocheur, majobestplate.ca, qui mène à plusieurs offres d’emploi proposées par l’entreprise et présentées comme étant plus stimulantes. «On ne peut plus juste mettre une annonce dans le journal et attendre que les gens envoient leur CV», conclut M. Bédard.

 

Source: Les affaires