
La Cour suprême crée un vent de changement en matière de norme de contrôle avec l’arrêt Canada c. Vavilov
1 février 2020
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.
La Cour suprême crée un vent de changement en matière de norme de contrôle avec l’arrêt Canada c. Vavilov
Canada c. Vavilov est la nouvelle référence en matière de norme de contrôle dans le domaine du droit administratif. Les observations des juges changent l’approche mise de l’avant par l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick en clarifiant deux aspects du cadre d’analyse actuel, soit l’analyse visant la détermination de la norme de contrôle applicable ainsi que l’application appropriée de la norme de contrôle de la décision raisonnable. Le but de cette modification est avant tout d’assurer une cohérence, donc les principes en matière de contrôle judiciaire demeurent guidés par l’arrêt Dunsmuir.
Avant le 19 décembre 2019, date à laquelle l’arrêtVavilov a été rendu, la norme de la décision raisonnable s’appliquait à la majorité des catégories de questions, mais elle pouvait facilement être réfutée en établissant que « la question sous examen appartient à une catégorie de questions qui est assujettie à la norme de la décision correcte ».
Désormais, la norme de la décision raisonnable est applicable dans tous les cas de contrôle d’une décision administrative et elle bénéficie d’une présomption qui peut être renversée lorsqu’il existe une indication claire de l’intention du législateur à cet effet ou lorsque la primauté du droit l’exige. Donc, comme la présomption ne peut être renversée que dans deux situations, c’est seulement dans ces deux situations précises que la norme de la décision correcte est applicable.
L’intention du législateur d’appliquer une norme différente se traduit par des termes exprès de la norme de contrôle à appliquer ou lorsqu’il prévoit un mécanisme d’appel d’une décision administrative. Ce droit d’appel crée un régime institutionnel différent qui commande un contrôle selon la norme de la décision correcte.
La primauté du droit se traduit, quant à elle, sous la forme de questions constitutionnelles, de questions de droit d’importance capitale pour le système juridique et de questions liées à la détermination des compétences respectives d’organismes administratifs. En ce qui concerne les questions de compétence qui formaient jadis une catégorie distincte devant faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte, les juges de la Cour suprême affirment que cette reconnaissance n’a plus sa place en raison de sa nature complexe et difficilement délimitable. Seloneux, l’analyse d’une telle décision peut très bien être faite selon les balises de la norme raisonnable.
Grâce à l’établissement des situations précédentes, les cours de justice ne sont plus tenues de recourir à une « analyse contextuelle » ni d’appliquer la notion d’expertise afin d’établir la norme de contrôle appropriée au litige. Cependant, cet arrêt ne ferme pas la porte à ce que d’éventuelles nouvelles catégories puissent être reconnues comme étant une dérogation de la norme raisonnable.
La Cour suprême réitère également que ce n’est pas la perfection qui est recherchée lors de l’analyse d’une décision selon la norme raisonnable. Pour cette raison, les juges se doivent d’interpréter les motifs du décideur seulement en fonction de l’historique et du contexte du litige ainsi que de l’instance par laquelle la décision a été rendue. Ainsi, le principe selon lequel « le contrôle selon la norme de la décision raisonnable a pour point de départ la retenue judiciaire et le respect du rôle distinct des décideurs administratifs » demeure d’actualité.
Finalement, une grande partie de la jurisprudence en matière de norme de contrôle dans le domaine administratif continue de s’appliquer telle quelle, mais il faut dorénavant porter une attention particulière au souci d’uniformité générale des décisions administratives. La nouvelle approche et le nouveau cadre d’analyse de la décision selon la norme raisonnable visent à établir une stabilité doctrinale pour l’avenir. Toutefois, pour les questions qui touchent « véritablement » à la compétence ou qui concernent l’analyse contextuelle, la valeur de précédent est désormais moindre.