L’obligation d’accommodement raisonnable revêtue d’une grande importance par la Cour suprême du Canada

5 March 2018

L’exercice du droit au retour au travail pour les victimes de lésions professionnelles devra dorénavant répondre à des critères plus inclusifs en matière d’accommodement.

L’arrêt Québec (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) c. Caron rendue par la Cour suprême du Canada le 1er février 2018 ayant trait à la notion de retour au travail pour les victimes de lésions professionnelles a confirmé la position exprimée par la Cour d’appel du Québec qui portait en partie sur la compétence de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et sécurité du travail et du Tribunal administratif du travail dans l’application des règles relatives à l’accommodement raisonnable dans le cadre de l’exercice du droit au retour au travail prévu dans la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles.

Avant cet arrêt, la jurisprudence considérait que le régime de la L.A.T.M.P. était complet en soi et comportait déjà toutes les mesures d’accommodements auxquelles le travailleur avait droit. Selon ces principes, ni la C.N.E.S.S.T. ni le T.A.T. n’avaient donc le pouvoir d’imposer une mesure d’accommodement en vertu de la Charte.

Confirmant la position adoptée par la Cour d’appel, la Cour suprême du Canada indique ce qui suit:

« La Charte québécoise vise à « empêcher que des personnes par ailleurs aptes ne soient pas injustement exclues, alors que les conditions de travail pourraient être adaptées sans créer de contrainte excessive » (Hydro‑Québec,par. 14). C’est là l’essence de l’obligation d’accommodement raisonnable. Le régime d’indemnisation des accidentés du travail prévoit divers types d’accommodement, comme la réintégration, un emploi équivalent ou, à défaut, l’emploi qui convient le mieux. Le fait que le régime prévoit certains types d’accommodement n’exclut pas l’accommodement général plus vaste qu’exige la Charte québécoise. »

Ainsi, le simple écoulement du délai prévu en vertu de l’article 240 de la L.A.T.M.P. aux fins de l’exercice du droit au retour au travail, qui varie d’un employeur à l’autre, ne dispense pas l’employeur de son obligation d’accommodement à l’égard d’un travailleur désirant réintégrer son emploi. Conséquemment, une application mécanique de l’article 240 de la L.A.T.M.P. ne respecte pas les enseignements de la Cour suprême et ne constitue dès lors qu’un facteur parmi d’autres dans l’évaluation des accommodements raisonnables de l’employeur.

Les employeurs devront donc effectuer une gestion plus rigoureuse par un examen individualisé des dossiers de chacune des victimes d’une lésion professionnelle en tenant compte des possibilités d’accommodement allant jusqu’à la contrainte excessive. Il sera d’autant plus important de s’assurer de documenter l’ensemble des étapes du processus de retour au travail, afin de démontrer que des efforts raisonnables ont été déployés pour accommoder la victime d’une lésion professionnelle. Cette décision a un impact majeur sur la manière d’aborder les litiges découlant de la mise en œuvre du retour au travail des victimes de lésions professionnelles. Il sera intéressant de suivre l’application de cet arrêt et d’analyser les agissements des agents de la C.N.E.S.S.T. dans la gestion des dossiers.